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Avenir de la Lorraine
9 novembre 2006

Pour une Europe des citoyens par Dominique Strauss-Kahn.

L’Europe est en panne, en quête immobile de son destin.

Depuis les « non » français et néerlandais à la question référendaire, la perspective d’une Europe politique s’étiole au fil des renoncements et des compromis sans ambition. Le « Plan B », présenté comme une solution de secours immédiate prévue par les autorités européennes et nationales, n’était qu’une illusion de campagne. La réalité est plus cruelle : aucune initiative significative n’a été prise, aucune relance sérieuse ne se dessine, et de nombreux gouvernements en Europe, dirigés par les conservateurs, se réjouissent plus ou moins discrètement de cette torpeur pleine d’effroi.

Chercher à faire passer le Traité constitutionnel en force serait une grave erreur. La majorité des Français a dit « non » et ce vote doit être respecté. Nous ne reviendrons pas sur la volonté exprimée dans les urnes. Le « non » nous oblige à réconcilier l’Europe avec les citoyens. Il exige des réponses aux attentes exprimées par les Français.

Première attente : l’Europe doit tenir ses promesses en matière d’emploi et de croissance. Nous avons pris beaucoup de retard pour emprunter le passage vers l’économie de la connaissance, porteuse dans le champ économique de forte valeur ajoutée comme de hauts salaires et dans le champ social d’émancipation et de reconnaissance professionnelle. Des objectifs ambitieux ont été fixés en la matière dans le cadre de la « stratégie de Lisbonne », mais les outils pour la mettre en œuvre nous manquent aujourd’hui.

Deuxième attente : l’Europe ne protège pas assez le citoyen face aux nouveaux risques sociaux, comme les délocalisations ou les ruptures dans les parcours professionnels. Si seule l’Union Européenne a la taille critique nécessaire pour peser sur la mondialisation, les politiques européennes souffrent aujourd’hui d’un déséquilibre flagrant : la concurrence y est privilégiée au détriment des politiques sociales, économiques et industrielles. Une autre articulation doit donc être trouvée pour bâtir un véritable modèle social européen.

Troisième attente, enfin : l’Europe est trop éloignée des citoyens, ceux-ci n’ont pas de prise réelle sur les décisions. Alors que la décentralisation ne cesse de rapprocher les citoyens de leurs élus, que les Français s’expriment et veulent peser sur les politiques qui affectent leurs vies, l’Europe paraît souvent trop lointaine, trop abstraite. Il manque à l’Europe et à ceux qui l’incarnent une légitimité politique indiscutable. Il manque une vision clairvoyante de l’avenir, le nôtre et plus encore celui de nos enfants ou petits-enfants. Il manque un esprit de responsabilité pour dire et montrer clairement la destination et le chemin. Il manque enfin une méthode rigoureuse et cohérente.

C’est le destin exceptionnel de la France d’avoir contribué au rapprochement des peuples et à l’amélioration de leurs conditions de vie. Parce qu’elle reste au cœur du dispositif européen, elle doit reprendre l’initiative, reconquérir son influence, affirmer l’envergure de ses ambitions.

Les intérêts de notre pays ne doivent pas être frileusement opposés à ceux de nos partenaires européens mais courageusement conjugués, pour entraîner vers le haut, par une valorisation intelligente et concertée de nos atouts respectifs, l’ensemble des Etats-membres de l’Union européenne.

Pour cela, l’Europe politique et sociale représente une contrepartie indispensable et urgente à l’Europe économique.

Seule une initiative progressiste permettra à l’Europe de sortir de l’impasse. Il faut construire une Europe des citoyens. Avec eux et pour eux, une relance progressiste de l’Europe est possible.

Il faut bâtir l’Europe sociale du XXIe siècle, qui émancipe et qui protège, grâce notamment à la création d’un revenu minimum européen, à la sécurité sociale professionnelle pour protéger contre la précarité ou les ruptures professionnelles et à un fonds européen pour la petite enfance afin de combattre les inégalités sociales à la racine et aider tous les citoyens à trouver leur place dans « l’économie de la connaissance ».

Il faut mettre en place un véritable gouvernement économique de l’Europe avec un « Conseil des ministres pour la croissance » chargé de mettre en œuvre une politique économique active, avec un budget orienté sur les dépenses d’avenir : recherche, enseignement supérieur et réseaux de transport européens, et un Eurogroupe renforcé (réunion des ministres des finances de la zone euro), capable de coordonner efficacement la politique budgétaire et fiscale, et représenté par un Ministre des Finances européen.

SkyTran320

Bâtir l’Europe des citoyens. Nous vivons un moment unique dans l’Histoire : pour la première fois, le continent européen est entièrement démocratique. C’est à nous, aux peuples d’Europe, de poursuivre ce mouvement en achevant la démocratisation des institutions européennes :

- la Commission doit être élue par la majorité du Parlement Européen et en son sein afin d’établir un lien direct entre les citoyens et les gouvernants ;

- le choix du Président de la Commission deviendra ainsi un enjeu majeur des élections européennes, dont le résultat devra être annoncé simultanément dans toute l’Europe,

- une partie des sièges au Parlement devra être réservée à des listes paneuropéennes, mêlant des candidats originaires de plusieurs pays, pour donner au débat une dimension véritablement européenne ;

- afin de permettre l’émergence d’un véritable citoyen européen, il faut intensifier les échanges universitaires, renforcer l’enseignement des langues et créer une grande chaîne européenne de télévision publique, pour que chacun puisse connaître et comprendre l’Europe.

tv

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La crise de l’Europe n’est pas une fatalité. Une nouvelle dynamique progressiste est possible. La France, lorsqu’elle sera enfin dirigée avec audace et sérieux, pourra en prendre l’initiative.

business320

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